Au nord de la Charente, dans le village d’Aigre, se cache une maison de Cognac méconnue qui mérite pourtant une visite : la Maison Gautier. Si chaque Cognac est différent, le processus de fabrication n’y est pas pour rien et c’est ce que nous avons appris ici. Découvrez avec nous le Cognac Gautier !
La plus ancienne marque de Cognac française
Le « vin brûlé », boisson prisée dès le XVII-XVIIIe siècle par les Hollandais (qui le traduisent par « Brandewijn ») puis les Anglais (qui raccourcirent en « Brandy »), les maisons de Cognac les plus connues aujourd’hui comme Hennessy ou Martell ont été créées par des étrangers. Mais le précurseur Charles Gautier, fils d’un marchand de bois de la forêt de Tronçais, est tombé amoureux lors d’un voyage de Jaquette Brochet, fille d’un propriétaire de vignoble charentais. L’un sait fabriquer des tonneaux, l’autre du vin, voilà comment on crée une entreprise durable dès 1644 ! C’est ainsi que la Maison Gautier est née en 1755, bien avant de nombreux célèbres concurrents actuels. La plus ancienne bouteille de Cognac au monde ayant été retrouvée appartient d’ailleurs à cette marque.
Un environnement pas comme les autres
Situés en bord de rivière, ce qui est interdit aujourd’hui pour des raisons de sécurité – le privilège de l’ancienneté, les bâtiments bénéficient d’un cadre hors du commun pour faire vieillir l’eau-de-vie. Bien visible, le champignon avide d’alcool joliment surnommé « la part des anges » absorbe juste la bonne quantité de vapeurs pour travailler en bon équilibre avec la rivière dont l’humidité limite l’évaporation d’eau. On le voit parfaitement sur les murs : ce noir c’est lui ! Il ne faut surtout pas l’éliminer comme si c’était de la saleté. Il fait partie de l’écosystème qui fait la spécificité du Cognac.
L’art du vieillissement
Ici, pas de vignes. On ne produit pas le vin et on ne le distille pas non plus. L’eau-de-vie est achetée au même fournisseur que d’autres grandes maisons de Cognac. Et pourtant, le breuvage final est bien différent. Le choix du maître (ou maîtresse) de chai est primordial. C’est le magicien au nez précis qui saura assembler les bonnes saveurs au bon moment et les placer dans les tonneaux appropriés pendant le temps idéal. On obtient ainsi des boissons médaillées d’or à de multiples reprises.
Une visite guidée en toute simplicité
Loin des grandes industries aux visites impersonnelles et très fréquentées, la Maison Gautier n’a ouvert ses portes au public qu’en 2020. Nous étions seulement 6 en ce début d’automne, dont 4 Britanniques (coucou le circuit des remparts d’Angoulême qui en attire beaucoup dans la région à cette période !). Décidés au dernier moment à cause de la météo capricieuse, nous avons suivi la visite guidée en anglais mais elle existe évidemment en français.
Elle démarre dans une salle d’exposition par une présentation bien huilée de l’histoire du Cognac. Des informations très intéressantes et bien racontées qu’on ne retrouve nulle part, sauf peut-être au musée du Cognac. Une découverte en ce qui me concerne.
On accède ensuite aux différents bâtiments où sont stockés les fûts pour des explications sur le terrain. Un moment passionnant au milieu des odeurs particulières des caves.
Un arrêt dans le bureau du maître de chai permet de mesurer l’ampleur du travail et le talent nécessaire à la création de ces élixirs luxueux.
On termine par le Paradis, où sont stockés les liquides les plus anciens dans des tonneaux et Dames Jeanne poussiéreux qui montrent qu’ils ne datent pas d’hier (on remonte jusqu’à 1840). Au milieu trône “Eden”, la bouteille la plus chère de la marque dont l’édition limitée touche à sa fin.
De retour à la boutique, c’est l’heure de la dégustation. On nous présente d’abord 4 bouteilles par ordre de vieillissement chronologique : le VS, le VSOP, le XO et le Tradition Rare, surnommés le petit frère, le frère, le père et le grand-père. À chaque palais sa préférence mais les visiteurs du jour étaient plutôt d’accord sur les plus âgés. Ce que j’ai apprécié, ce sont les deux bouteilles suivantes. Pour nous faire goûter la différence non seulement d’âge mais aussi de savoir-faire, nous avons pu déguster un XO et un Pinar del Rio réalisés par d’autres maîtres de chai. Le XO 1755 a été créé par une femme, à l’intention des femmes. Et ça marche, il a été mon préféré ! Le Pinar del Rio était également différent du Tradition Rare que nous avions goûté auparavant. La preuve par l’exemple.
Notre avis
Les bâtiments ne sont pas aussi grandioses qu’au Château du Baron Otard par exemple. Ils ne sont pas non plus localisés dans la ville de Cognac mais plus au nord du département. Nous avons cependant grandement apprécié cette visite à échelle humaine bien documentée et très abordable.
Infos pratiques
Adresse : 28 Rue des Ponts, 16140 Aigre
Tarif de la visite guidée : 5€ dégustation comprise, gratuit pour les mineurs
Réservation obligatoire au 05 45 21 58 67 ou sur le site Internet
Prix du cognac : de 40 € le coffret dégustation à plus de 1000 € la bouteille
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération